Révolutionner l'éducation sexuelle : Rencontre avec Anna Alexander, Co-fondatrice de Split Banana

Révolutionner l'éducation sexuelle : Rencontre avec Anna Alexander, Co-fondatrice de Split Banana

Saviez-vous qu'une éducation sexuelle positive pourrait contribuer à former de meilleurs citoyens ?

En 2022, une étude menée par le Département des politiques du Parlement européen pour les droits des citoyens et les affaires constitutionnelles a examiné l'importance de l'éducation sexuelle en tant que partie intégrante de la santé sexuelle et reproductive, ainsi que des droits des enfants et des jeunes dans l'Union Européenne. Cette étude a mis en lumière son efficacité dans la promotion de l'égalité des sexes, la prévention de la violence sexiste et l'amélioration de la santé et du bien-être des jeunes. Il est prouvé que lorsque nous offrons aux adolescents et aux jeunes adultes les outils nécessaires pour explorer la sexualité loin des écrans, nous créons un environnement propice à la prise de décisions éclairées. Ce qui permet de développer leur intelligence émotionnelle, leur confiance en soi, leur empathie et leur ouverture d’esprit, tout en réduisant les tabous et les préjugés nuisibles.

C'est précisément la mission de Split Banana, une entreprise sociale révolutionnant l'éducation aux relations sociales, à la sexualité et à la santé (ERSS) à travers des ateliers créatifs, la formation d’éducateurs et éducatrices et en collaborant avec des établissements scolaires.

Fondée par Anna Alexander et Matilda Lawrence-Jubb, deux femmes ayant elles-mêmes constaté un manque d'éducation adéquate sur ces thèmes pendant leur propre parcours éducatif, Split Banana s'est donné pour objectif de combler cette lacune.

Avec un parcours alliant le cinéma et l'insertion sociale et professionnelle, Anna a été récompensée du prestigieux Shackleton Leadership Award* en 2020 pour son travail avec Split Banana. Elle partage actuellement son temps entre son rôle de professeur de sciences religieuses et ses responsabilités en tant que responsable de la PHSE** dans une école de l'Est de Londres.

Nous avons eu l'occasion de discuter avec elle de son travail avec Split Banana et de l'importance d'une éducation sexuelle positive reposant sur une approche inclusive et respectueuse. 

 

  • Vous avez fondé Split Banana suite à vos propres expériences personnelles - quel âge aviez-vous à l'époque, et étiez-vous déjà éducatrice ? Comment ces expériences ont-elles spécifiquement façonné votre mission ?
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    Comme la majorité des Britanniques, ma formation sexuelle a été quasi inexistante. À l’époque, mon enseignant était trop embarrassé pour en discuter, alors nous avons eu un trimestre entier consacré à la sécurité ferroviaire. Grandir dans une société qui ne fournissait pas de conseils sur des sujets tels que le consentement, la sexualité et l'image corporelle a eu un impact profond sur ma personne et sur tous ceux qui m'entouraient.

    Ma cofondatrice Matilda et moi nous sommes rencontrées lors d'un programme d'innovation sociale de troisième cycle appelé ‘Year Here’ alors que nous avions 23 ans. Nous avions toutes les deux travaillé dans le domaine de l'éducation et lorsque nous sommes retournées en classe, nous avons été choquées de constater à quel point peu de progrès avait été réalisé en matière d'éducation sexuelle. Les écoles manquaient toujours d'une éducation positive sur les relations sociales et sexuelles, la sexualité et la santé. Nous avons utilisé nos expériences professionnelles pour imaginer l'éducation à la santé et à la sexualité que nous aurions souhaitée avoir : une qui aide les jeunes à construire des relations épanouissantes avec leur mental, leur corps et les autres.

     

  • Quelles lacunes avez-vous identifiées dans le programme (britannique) à l'époque et pensez-vous qu'il y a eu des progrès depuis ?
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    Lorsque nous sommes retournées en classe, ce n'était pas seulement le manque d'un programme positif qui était profondément préoccupant, mais surtout le comportement des élèves. Par exemple, entendre des propos anti-LGBTQIA+ dans les salles de classe, assister à des conversations préoccupantes sur le consentement entre les élèves de terminale et observer l'impact croissant de la technologie avec le revenge porn. Le programme d'Education Sexuelle est devenu obligatoire au Royaume-Uni en 2019. Jusque-là, il revenait à l'école de décider comment aborder ce sujet très important. Les écoles jonglent déjà avec un cursus bien chargé et sans exemple de bonnes pratiques, il peut être difficile de savoir par où commencer.

    Cependant, nous pensons que des progrès considérables ont été accomplis en rendant obligatoire cet enseignement pour tous les élèves. En tant que société, nous abordons les conversations sur le genre et le consentement de manière beaucoup plus nuancée. Le monde dans lequel les jeunes grandissent évolue si rapidement que nous constatons souvent qu'une ouverture à l'apprentissage est essentielle pour améliorer la mise en œuvre de la RSE. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir, mais nous nous devons de célébrer les progrès que nous avons réalisés et continuer sur cette voie d'une éducation ouverte et inclusive. Ce qui continue vraiment de nous encourager, ce sont aussi les enseignant(es) et éducateurs / éducatrices incroyables qui sont déterminés à améliorer cette éducation sexuelle.

     

  • Comment fonctionne la formation de Split Banana et quels éléments uniques avez-vous incorporés dans vos programmes ?
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    Nous offrons des ateliers aux jeunes ainsi qu'une formation aux éducateurs / éducatrices. Notre approche se distingue par la création d'espaces sécurisants, bienveillants et sans jugement dès le départ. Nous mettons l'accent sur l'inclusion, en adoptant une approche progressiste et en donnant la parole à des personnes souvent marginalisées. Nos ateliers de co-conception "Ce que j'aurais aimé savoir" garantissent que notre programme représente diverses expériences de vie et remet en question les récits sociaux dominants. Nous réfléchissons sur comment les problématiques liées à l'éducation sexuelle nous affectent, nous-mêmes, les autres et la société dans son ensemble. Cette réflexion vise à autonomiser les individus et à développer de meilleures compétences sociales et émotionnelles, dans l'espoir de bâtir une société plus équitable et harmonieuse.

    L'approche de Split Banana est également créative et interactive : tous nos programmes intègrent des activités telles que des jeux, des dessins et des activités de groupe.

     

  • Quels sont les thèmes clés abordés dans les programmes de Split Banana, et pourquoi sont-ils importants pour les jeunes ?
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    Tous nos programmes sont différenciés par âge pour garantir que les participants apprennent les bonnes informations pour leur âge et leur stade de développement. Les thèmes que nous abordons dans nos ateliers incluent la santé mentale et le bien-être, le genre, la sécurité sur internet, l'image corporelle, les relations intimes, la pornographie, le consentement et les limites, la santé sexuelle, la contraception et les IST, et l'indépendance émotionnelle.

     

  • Quels sont les impacts que vous avez observés depuis l'instauration de vos programmes ?
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    À ce jour, nous avons travaillé avec plus de 23 000 jeunes à travers le Royaume-Uni et avons formé près de 1100 éducateurs et éducatrices. Les retours que nous recevons soulignent toujours à quel point notre travail donne une confiance nécessaire pour parler de la sexualité et des relations intimes au quotidien. Un jeune participant a récemment témoigné que notre atelier "abordait des sujets que tout le monde redoute de soulever", tandis qu'un autre a souligné que nous “abordons des sujets sur lesquels les jeunes se sentaient auparavant trop gênés pour poser des questions”.
    Nous avons également observé cela à travers nos programmes de formation : les adultes se sentent plus confiants pour répondre aux questions des élèves et sont capables de leur donner des réponses plus appropriées. 

    Un autre aspect essentiel pour nous est la diversité et l'inclusivité. Alors que les débats autour de l'éducation LGBTQIA+ et l'identité de genre agitent les gouvernements, il est crucial de souligner la gratitude et la satisfaction exprimées par les jeunes qui se voient enfin représentés. Récemment, nous avons reçu le témoignage poignant d'un(e) jeune queer qui nous confiait avoir eu du mal à se retrouver dans l'éducation sexuelle traditionnelle, et que l'un de nos ateliers l'avait grandement aidé(e).

    Offrir une éducation qui intègre pleinement l'expérience individuelle de chacun est essentiel si nous aspirons à bâtir une société fondée sur l'empathie et le respect.

     

  • A votre avis, quel rôle doivent jouer le système scolaire et les éducateurs et éducatrices dans la prise en charge des questions, telles que la santé sexuelle, l'inclusion, le consentement, la positivité corporelle, l'empathie, l'inclusivité LGBTQ+ et la diversité ?
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    Chaque jour, les éducateurs, éducatrices, les professionnel(le)s de la santé et les parents répondent à des questions sur ces sujets. Ils prennent des décisions au nom des jeunes et prodiguent des conseils. Former ces adultes à être confiants et à l'aise pour aborder ces sujets a un impact considérable : cela permet à chaque jeune personne de bénéficier d'un espace sécurisé et sans jugement pour trouver les réponses à ces questions. Une éducation sexuelle de qualité agit comme une prévention contre des expériences négatives allant de la dysmorphie corporelle à la violence sexuelle. 

    Une des grandes peurs est d'introduire trop tôt des thèmes sur lesquels les jeunes ne seraient pas prêts. Cela alimente la tendance à éviter les questions ou les conversations, notamment sur le genre et la sexualité. Nous fournissons des ressources et un espace de dialogue pour nous assurer que tout le monde soit en mesure de recevoir les informations nécessaires pour mieux vivre.

     

  • Pour finir, avez-vous des conseils à partager avec les éducateurs, les éducatrices et les parents qui ne savent pas par où commencer pour mieux éduquer les jeunes sur la sexualité, la santé et les relations intimes ?
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    Tout d'abord, félicitations ! L'éducation sexuelle et relationnelle peut être intimidante, mais vouloir s'informer et s'améliorer est un excellent premier pas. 

    Commencez par réfléchir à vos croyances et valeurs. 

    Soyez ouvert à l'apprentissage : adoptez une mentalité de développement et d'épanouissement personnel.

    Enfin, soyez ouverts à l'apprentissage bidirectionnel ! Que vous soyez un(e) soignant(e) ou un éducateur, une éducatrice, nous sommes tous en constante évolution. Apprendre ensemble favorise un environnement propice à une éducation inclusive et bienveillante.

    www.splitbanana.co.uk

    *Le Shackleton Leadership Award est une distinction prestigieuse décernée à des individus qui ont démontré un leadership exceptionnel dans des situations difficiles ou complexes. Le prix tire son nom de Sir Ernest Shackleton, un explorateur britannique renommé pour son leadership lors de l'expédition Endurance en Antarctique au début du 20e siècle. Les lauréats du Shackleton Leadership Award sont généralement reconnus pour leur capacité à inspirer et à motiver les autres, à faire preuve de résilience et de détermination face à l'adversité, et à prendre des décisions éclairées dans des circonstances extrêmes. La réception de ce prix est souvent considérée comme un témoignage de l'excellence en matière de leadership et d'engagement envers la réalisation d'objectifs ambitieux dans des conditions difficiles.

     

    **La PSHE (Personal, Social, Health and Economic Education) est un programme éducatif au Royaume-Uni conçu pour fournir aux élèves une éducation complète sur des sujets tels que la santé personnelle et sociale, le bien-être émotionnel, la santé sexuelle, les compétences financières, les relations interpersonnelles, la citoyenneté et d'autres aspects liés au développement personnel. Cette éducation vise à aider les jeunes à acquérir les connaissances, compétences et attitudes nécessaires pour prendre des décisions éclairées et responsables dans leur vie quotidienne et à contribuer à la société de manière positive.