Renforcer l'enseignement climatique et l’activisme avec Noga Levy-Rapoport

Renforcer l'enseignement climatique et l’activisme avec Noga Levy-Rapoport

Il n'est guère surprenant de constater une croissance constante du nombre d'activistes au sein de la génération Z, une génération souvent ridiculisée ou stéréotypée en raison de son utilisation intensive des réseaux sociaux et de la technologie. Cependant, elle est également très engagée, notamment sur les questions environnementales et le changement climatique.

Profondément préoccupée par l'avenir de la planète, la génération Z adopte un regard critique envers les entreprises, les incitant à adopter des pratiques durables pour réduire leur empreinte écologique. Selon un rapport réalisé par IBM en 2021, 56 % des membres de cette génération estiment que les entreprises doivent assumer la responsabilité des problèmes environnementaux, et 72 % pensent qu'elles doivent être tenues responsables de leur impact sur l'environnement.

Certains noms émergent naturellement lorsque l’on aborde ce jeu. Parmi ces figures, se distingue Noga Levy-Rapoport, activiste et orateur.trice de 22 ans dont l'influence prédomine au sein de ce mouvement au Royaume-Uni.
Noga se définit comme non binaire et utilise le pronom 'they' en anglais que nous avons traduit par 'iel'.

Son parcours a été amplement documenté sur les réseaux sociaux, mettant en lumière des moments clés tels que son plaidoyer en faveur du Green New Deal* et son leadership dans Teach The Future*, une campagne incitant le gouvernement anglais à réorienter le programme scolaire face à l'urgence climatique et à la crise écologique.

Cependant, l'engagement de Noga dépasse largement les enjeux climatiques. Iel s’est fortement impliqué.e dans diverses manifestations pour la justice sociale, tout en contribuant activement à des initiatives communautaires axées sur la diversité sexuelle, le féminisme et le développement durable. Ses actions s'étendent également à de nombreux domaines créatifs comme la musique, le théâtre et les arts.

Sa vision d'un monde meilleur ne se limite pas à un simple appel à l'action collective, mais représente également un témoignage inspirant du pouvoir transformateur de l'information et de la collaboration.

Nous avons questionné Noga Levy-Rapoport sur son parcours en tant qu'activiste, l'importance de sensibiliser les jeunes aux défis environnementaux, la nature interconnectée de la justice sociale et environnementale, ainsi que ses aspirations pour le futur.

 

  1. Depuis 2019, vous êtes devenu une figure importante de la jeunesse engagée pour la justice climatique au Royaume-Uni. Parlez-nous de votre parcours en tant qu'activiste et de ce qui vous a motivé à emprunter cette voie?

Tout a réellement commencé le 15 février 2019, lors de ma participation à une manifestation sur la Place du Parlement, où des centaines de jeunes s’étaient mobilisés face à la crise climatique. Rassemblés et chantant sur l'herbe devant Westminster, le lieu des décisions politiques, une camaraderie instantanée s'est créée entre nous.

Empruntant un mégaphone à un autre manifestant, j'ai encouragé les gens à me suivre dans la rue, conscient que notre capacité à attirer l'attention commençait par une action concrète.
Avant la fin de cette journée, plus de 5000 Londoniens avaient rejoint la manifestation, défilant dans les rues de Londres et passant devant Downing Street, la résidence du Premier ministre. Avant cet événement, je me sentais isolé.e et impuissant.e, mais depuis, j'ai découvert une vaste communauté d'écologistes et d'activistes qui m'ont révélé la puissance de la solidarité et de la mobilisation.

 Récemment, j'ai concentré mes efforts sur la communication, l'éducation politique, l'émancipation des jeunes et la construction communautaire, en particulier à travers l’art.

 

  1. Vous avez joué un rôle clé au sein de la campagne Teach The Future. Pourriez-vous nous dire où en est la campagne à ce jour?

Teach the Future a enregistré des progrès significatifs. Sous la direction éclairée de Joe Brindle et Scarlett Westbrook, le premier projet de loi en Angleterre sur l'éducation climatique, initié par la jeunesse, a été élaboré. Bien que des défis subsistent, les enseignants et les étudiants intéressés peuvent jouer un rôle clé en contribuant à des initiatives telles que « Teach The Teacher », visant à sensibiliser et à soutenir le développement de projets de lois similaires en Écosse et au pays de Galles.

Il est crucial de souligner que l'objectif de l'éducation est de nous préparer à l'avenir. Dans ce contexte, la préparation à un avenir dans un climat en mutation comporte une double dimension. D'une part, l'acquisition des compétences nécessaires pour faire face aux multiples crises politiques qui se déroulent autour de nous, favorisant l'action climatique et la justice par l'auto-émancipation et la solidarité mondiale entre les jeunes contre les énergies fossiles. D'autre part, il est impératif de développer les compétences pour soutenir les plus vulnérables à travers le monde, déjà touchés par la crise climatique.

Enfin, il est indéniable que nous devons également apprendre à “coexister” avec le réchauffement climatique et prendre des mesures préventives pour éviter d'autres catastrophes sur notre planète.

 

  1. À votre avis, quel serait actuellement l'outil le plus puissant pour promouvoir l'activisme social et environnemental : les réseaux sociaux, l'éducation, les rassemblements, ou une combinaison de ces éléments ?

Je dirais que c'est une combinaison de ces éléments. Les outils ne peuvent atteindre leur efficacité que lorsqu'ils sont alignés sur un objectif spécifique. Les réseaux sociaux, l'éducation, les communautés et la solidarité sont autant d'instruments visant à nous unir et à nous soutenir mutuellement. Ces moyens divers convergent vers un objectif commun : une ère nouvelle de politiques nationales et internationales, durables et équitables.
Pour celles et ceux qui désirent s'engager dans l'activisme, je recommanderais de ne pas se focaliser sur l'outil considéré comme le plus puissant, mais plutôt de trouver où leurs compétences personnelles peuvent être le mieux exploitées. Si vous excellez dans la communication, vous pourriez être un éducateur ou une éducatrice exceptionnel(le) ; si vous êtes un(e) artiste visuel(le), vous pourriez narrer des histoires captivantes, tant sur les réseaux sociaux que hors ligne ; si vous êtes impliqué.e dans des projets communautaires, vous pourriez être un organisateur ou une organisatrice hors pair.
Orientez-vous vers l'endroit où votre contribution sera la plus nécessaire, sans chercher à être l'activiste parfait(e) qui n'utilise que les outils les plus populaires du moment.

 

  1. Comment pensez-vous que nous pourrions sensibiliser davantage et encourager un sentiment de responsabilité sociale?

Je pense que la prise de conscience de la crise climatique s'est considérablement accrue au cours des dernières années. La couverture médiatique des sommets climatiques a augmenté de manière significative et les sondages publics montrent un désir clair de voir émerger des politiques plus vertes de manière urgente à travers le monde. Mais un sentiment de responsabilité sociale est plus difficile à trouver, car nous manquons d'une éducation et d'une compréhension généralisée de l'histoire de la crise climatique.

 

  1. La justice sociale et raciale, l'égalité des genres, l'accès à l'éducation, le colonialisme et l'environnement sont tous liés. Avez-vous remarqué un changement dans la prise de conscience du public autour de cette intersectionnalité depuis le début de votre travail ?

Oui, énormément. Mais en contrepartie, il y a eu une résistance claire et inévitable : plus nous avons pu associer publiquement la neutralité carbone à la transformation économique, plus les compagnies d'énergie fossile se sont senties menacées. Et à juste titre, puisqu’elles sont pointées du doigt pour leur complicité et leur participation directe aux injustices sociales et raciales dans le monde. Je pense que nous sommes à un point de basculement aux yeux du public.

La sensibilisation du public à l'intersectionnalité, qui est au cœur de l'effondrement écologique, est plus élevée que jamais, mais nous devons continuer à plaider pour aller plus loin qu’une simple prise de conscience. Nous avons besoin d'une action collective ; nous avons besoin d'une prise de conscience non seulement du passé mais aussi d'un avenir éclairé sur les innombrables solutions disponibles pour revitaliser l'accès à l'éducation, la décolonisation et l'équité mondiale.

 

  1. Qu'est-ce qui vous motive à continuer au quotidien ?

Parfois, il est difficile de rester motivé.e. Je ne suis pas sûr.e que beaucoup d'activistes disent cela publiquement, car on ne veut jamais décevoir ceux qui pourraient compter sur nous pour l'inspiration, mais c'est vrai. Il y a toujours la crainte de ce qui pourrait arriver si je m'arrête, mais la peur n'est pas le moteur le plus puissant. Au moment où j'ai eu le plus peur de l'effondrement écologique, c’est là que j'ai été le plus paralysé.e. J'ai découvert que la colère et l'amour, lorsqu'ils sont combinés sont les moteurs les plus puissants. Je suis indigné.e par la destruction des moyens de subsistance des foyers, des futurs, au nom du profit des énergies fossiles, et j'ai un attachement particulier pour ce qui a déjà été perdu tout en continuant à lutter pour protéger ce que nous avons encore.

 

  1. Y a-t-il un message que vous aimeriez partager ou des conseils pour ceux qui veulent suivre vos traces mais ne savent pas par où commencer?

Vous devez trouver une communauté. Tout commence avec un.e ami.e, un.e enseignant.e, un.e parent.e, un collègue qui partage vos valeurs et votre foi en l'avenir. Personne n'organise quoi que ce soit seul.e. Pour provoquer un changement au niveau local, vous avez besoin du soutien vocal et actif de ceux qui vous entourent. Tout le monde ne sera peut-être pas d'accord avec vos idées ; certaines personnes ne veulent tout simplement pas voir de changement se produire, ou pourraient soulever des objections sur de nombreux obstacles dans votre plan que vous n'avez peut-être pas remarqués. Encouragez autant de discussions civiles, ouvertes et constructives que possible dans le forum, et demandez de l'aide à vos partisans pour surmonter les obstacles structurels ou personnels ! De nombreux membres de votre communauté auront des idées nouvelles sur la manière de surmonter ces obstacles, et entre-temps, vous pouvez toujours faire une pause bien méritée pour prendre soin de vous.

Organisez des réunions régulières, collaborez avec des organisations semblables et forgez des partenariats avec des groupes expérimentés ayant une vision similaire. Rien ne viendra si vous ne faites rien ; mais un tout nouveau monde peut être construit en commençant quelque part, alors n'ayez pas peur de transgresser autant de règles que nécessaire pour obtenir la justice climatique que nous méritons.

  

*Green New Deal est un plan politique visant à combattre le changement climatique en promouvant la transition vers une économie durable et à faible émission de carbone tout en favorisant la création d'emplois verts.


** Teach The Future est un mouvement éducatif mondial qui vise à intégrer l'éducation à la durabilité et au changement climatique dans les programmes scolaires afin de préparer les jeunes générations à faire face aux défis environnementaux futurs. 

Lien https://www.instagram.com/nogalevyrapoport/